Marché d’armement de 45 milliards : l’affaire “Petit Boubé” expose un vaste circuit de blanchiment à Dakar

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SENTV : Une société-écran, un contrat secret défense, des retraits en espèces par millions… Le parquet financier mobilise la DIC pour percer les mystères d’un deal aussi opaque que tentaculaire.

Un contrat hors normes, une société créée à la hâte, des flux financiers massifs et inexplicables… Le parquet financier a décidé de passer à la vitesse supérieure. Selon Libération, la Division des investigations criminelles (DIC) est désormais saisie pour élucider les dessous explosifs d’un marché d’armement de 45,3 milliards de francs CFA, attribué à Lavie Commercial Brokers-SUARL par le ministère de l’Environnement en décembre 2021. Au centre de la tempête : un nom bien connu des circuits opaques de l’armement en Afrique de l’Ouest, Aboubacar Hima, alias “Petit Boubé”.

Le marché, classé secret défense, avait pour objet la fourniture de véhicules d’intervention, de matériel de sécurité et de communication. Le signataire pour la société Lavie, qui n’avait qu’un mois d’existence au moment de la signature, est David Benza-quen, ex-collaborateur de Gaby Peretz, marchand d’armes israélien bien connu. Mais très vite, les enquêteurs identifient l’ombre tutélaire de “Petit Boubé”, courtier nigérien et habitué des deals sensibles en zone sahélienne.

La Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) a rendu un rapport alarmant, qui a déclenché l’intervention du parquet. Trois sociétés interconnectées — Lavie, Eurocockpit et Technologie Service International (TSI) — sont au cœur d’un véritable montage financier. Les trois structures ouvrent des comptes dans la même banque dakaroise. Peu après le virement de 34 milliards FCFA d’“avance” contractuelle, les mouvements s’accélèrent : virements croisés, retraits massifs en espèces, transferts de devises vers l’étranger… La traçabilité est quasiment nulle.

Exemples accablants :

  • Le 27 février 2023, deux collaborateurs de la galaxie Boubé retirent 85 et 150 millions FCFA en liquide.

  • Le 28 février, un second retrait de 185 millions FCFA est opéré par la même personne.

  • Quant à “Petit Boubé” lui-même, il encaisse 565,5 millions FCFA via des chèques, sans justificatif probant.

L’un des points les plus troublants du dossier est la “préfinancement” de 34 milliards FCFA accordé à Lavie, censée pourtant être en mesure d’exécuter le marché avec ses propres ressources. Pourquoi une telle avance pour une structure à la surface financière douteuse et sans antécédents opérationnels ? D’autant que les justificatifs fournis, notamment les factures liées à de prétendus frais de dédouanement, se sont révélés infondés. Aucun des conteneurs évoqués n’a été localisé, selon les investigations de la Centif.

Pour le procureur Alioune Abdoulaye Sylla, ce n’est plus une simple anomalie contractuelle. Les soupçons de détournement de deniers publics, faux en écriture, et blanchiment de capitaux à l’échelle internationale prennent le pas. L’enquête, désormais pilotée par la DIC, vise à démêler un réseau dont les ramifications s’étendent potentiellement à d’autres pays d’Afrique et au-delà.

La rédaction de la SENTV.info  

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