Mémoire réhabilitée : Un tirailleur sénégalais reconnu 80 ans après, la justice corrige l’État français

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SENTV : Désavouée par la justice, l’ex-ministre Florence Parly avait refusé de rectifier une erreur historique dans le dossier d’un ancien combattant tué à Thiaroye en 1944.

Une décision judiciaire aux allures de réparation mémorielle vient de mettre un terme à une longue bataille engagée par le fils d’un tirailleur sénégalais tué lors du massacre de Thiaroye, au Sénégal, en 1944. La Cour administrative d’appel de Paris a ordonné la correction d’une erreur dans le dossier militaire de M. D. A., ancien soldat de l’armée coloniale française, et annulé le refus opposé par l’ex-ministre des Armées Florence Parly.

en 1913 à Diakhao, dans l’actuel Sénégal, M. D. A. avait servi au sein du 6e régiment d’artillerie coloniale pendant la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier, il fut rapatrié en 1944 à bord du navire Circassia, à destination du Sénégal. Contrairement à ce qu’indiquait son état signalétique, il n’avait pas embarqué à Morlaix le 1er novembre, mais bien le 4 novembre 1944. Quelques semaines plus tard, il faisait partie des dizaines de tirailleurs massacrés par l’armée française au camp de Thiaroye, pour avoir réclamé leurs soldes.

Un combat administratif de longue haleine

En 2021, son fils, M. C. A., avait adressé une demande officielle à Florence Parly pour rectifier cette date dans les archives militaires, mais la ministre s’y était opposée, invoquant le Code du patrimoine. Saisi, le tribunal administratif de Paris avait rejeté la requête en 2023. Loin de renoncer, le fils du défunt tirailleur a fait appel – une persévérance qui s’avère aujourd’hui payante.

La Cour administrative d’appel de Paris a désavoué la position de l’ancienne ministre, considérant que « le refus de modifier un état signalétique entaché d’erreur fait grief et peut être contesté ». Dans son arrêt, elle souligne que le document en question ne bénéficie pas du statut de “trésor national”, contredisant l’argument central de Florence Parly, et qu’aucun texte juridique ne s’oppose à la correction d’une erreur matérielle dans les dossiers militaires.

Une reconnaissance symbolique et historique

La juridiction ordonne au ministre actuel des Armées, Sébastien Lecornu, de corriger l’erreur dans un délai de trois mois. L’État a par ailleurs été condamné à verser 1 500 euros à M. C. A. au titre des frais de justice. Un geste modeste, mais à forte valeur symbolique.

Au-delà de l’aspect purement administratif, cette décision marque un jalon dans la lente reconnaissance des injustices subies par les tirailleurs sénégalais. Ces anciens combattants africains, enrôlés dans l’armée française, ont longtemps été victimes d’un traitement discriminatoire – notamment dans le versement de leurs pensions ou la reconnaissance de leur sacrifice.

Vers une justice mémorielle ?

Le massacre de Thiaroye, longtemps occulté dans les récits officiels, reste une plaie ouverte dans l’histoire franco-africaine. La décision de la cour apparaît ainsi comme un acte de mémoire et de justice, en phase avec les appels à la reconnaissance des violences coloniales.

Alors que la France s’interroge de plus en plus sur son passé impérial, cette décision judiciaire rappelle que la mémoire des anciens combattants africains ne saurait être reléguée à une simple note de bas de page. Elle mérite, au contraire, d’être traitée avec rigueur, respect et vérité.

La rédaction de la SENTV.info 

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