Crise sans précédent dans les médias : la CAP appelle à la résistance contre « l’asphyxie organisée »
SENTV : Le climat se tend dangereusement dans le paysage médiatique sénégalais. Face à ce que la Coordination des Associations de Presse (CAP) qualifie d’« offensive systématique contre la liberté de la presse », l’heure est à la mobilisation générale. En conférence de presse, la CAP a dressé un tableau alarmant : fermetures arbitraires, convocation de journalistes, exclusion opaque des entreprises de presse… Et, au sommet de cette crise, un ministère de la Communication accusé de dérives autoritaires et d’opacité administrative.
Depuis mai 2024, le secteur subit des pressions multiformes. Dernier épisode en date : l’arrêté n°011059 du 22 avril 2025, suivi d’une vague de convocations par la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), avec des injonctions de cessation immédiate d’activité pour des dizaines de médias considérés comme « non conformes au Code de la presse ». Une mesure qui, selon la CAP, relève moins d’une régulation légale que d’un « sabotage institutionnalisé ».
Une régulation sans transparence ni recours
« Comment comprendre qu’on parle de conformité alors même que la plateforme d’enregistrement des médias est fermée depuis février, sans aucune explication ? », s’interroge un membre de la CAP. À ce jour, aucune notification officielle n’a été adressée aux médias jugés « non conformes », pas plus qu’un document de recours ou une possibilité d’appel.
Le flou administratif est total. Aucune liste officielle des entreprises de presse reconnues n’a été validée de manière publique. Et surtout, la Cour suprême, saisie depuis plusieurs mois sur la légalité des actes ministériels, reste muette, alimentant le sentiment d’abandon dans le secteur.
Une presse étouffée par la politique
L’analogie est forte : « La presse sénégalaise ressemble aujourd’hui à un George Floyd », s’est indignée la CAP, évoquant une « asphyxie institutionnelle » opérée par ceux-là mêmes qui devraient garantir sa survie. Depuis une circulaire du Premier ministre en mai 2024, de nombreux contrats liant les médias aux entreprises publiques ont été rompus, aggravant l’asphyxie financière.
Le Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP), censé soutenir la viabilité économique du secteur, est quant à lui gelé depuis l’arrivée du président Bassirou Diomaye Faye au pouvoir. Un paradoxe pour un régime porté par une rhétorique de rupture et de gouvernance vertueuse.
Institutions paralysées, cartes de presse suspendues
L’impact se fait sentir jusque dans les organes de régulation. Le CORED, le CNRA, et la Commission de la carte de presse sont aujourd’hui dysfonctionnels ou bloqués. La carte nationale de presse n’est plus délivrée depuis février 2024, rendant encore plus vulnérables les professionnels des médias sur le terrain.
Le CNRA, lui, est presque à l’arrêt faute de l’installation de son organe délibérant. La nouvelle Commission chargée d’examiner les entreprises de presse a absorbé une partie de ses compétences, sans garantie de transparence ni de cadre juridique clair.
Mobilisation générale et recours juridiques
Face à cette situation, la CAP ne baisse pas les bras. Dans un plan d’action dévoilé ce mardi, elle appelle à une riposte coordonnée :
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Lancement d’un formulaire pour recenser toutes les entreprises de presse touchées ;
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Accompagnement juridique des médias victimes avec un collectif d’avocats ;
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Recours massifs devant la Cour suprême, déposés simultanément par les responsables de médias ;
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Rencontres sectorielles tout au long du mois de mai avec syndicats, ONG, société civile, patronat et personnalités nationales ;
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Sit-in prévu devant le ministère de la Communication à l’issue de cette série d’actions ;
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Assemblée générale de refondation de la CAP annoncée pour le 17 mai 2025, avec une ouverture à de nouvelles structures professionnelles, notamment le SYNPICS récemment renouvelé et la Convention des Jeunes Reporters.
Une bataille pour la survie d’un pilier démocratique
La CAP tire la sonnette d’alarme : « Si rien n’est fait, c’est l’écosystème médiatique national qui risque l’effondrement ». L’organisation appelle la communauté nationale et internationale à sortir de son silence, rappelant que la presse sénégalaise a toujours été un rempart de la démocratie, même dans les périodes de turbulence politique.
Le combat s’annonce long, mais pour la CAP, il en va de la survie de la liberté d’informer au Sénégal. Et cette liberté, rappelle-t-elle, ne saurait être réduite au silence par un arrêté administratif, aussi arbitraire soit-il.
La rédaction de la SENTV.info